Evelien Vandewalle - Blind Date

“L’IA va jouer un rôle en ophtalmologie”

    Erika Van Tielen s’entretient pour Lumière pour le Monde avec Evelien Vandewalle, ophtalmologue spécialisée dans le glaucome et la rééducation des personnes atteintes de déficience visuelle. Un échange plutôt dense qui nous éclaire sur son passionnant travail.

    Erika Van Tielen
    « Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? »

    Evelien Vandewalle
    « Je m’appelle Evelien Vandewalle et je suis mère de deux enfants. Je travaille comme ophtalmologue au Gasthuisberg, l’hôpital universitaire de Louvain. Et deux fois par mois, je suis détachée à l’hôpital général de Diest. »

    Erika Van Tielen
    « Avez-vous une spécialisation ? »

    Evelien Vandewalle
    « Il existe plusieurs disciplines au sein de l’ophtalmologie. L’une de mes sous-spécialisations est le glaucome. L’augmentation de la pression oculaire engendre des problèmes avec le nerf optique et les patients voient alors apparaître des taches. Je suis également une ophtalmologue spécialisée dans la rééducation. Avec une équipe, nous réfléchissons à la meilleure manière d’aider les personnes atteintes de déficience visuelle, afin qu’elles puissent continuer certaines de leurs activités de manière indépendante. »

    Erika Van Tielen
    « Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir ophtalmologue ? »

    Evelien Vandewalle
    « Je me suis toujours intéressée au fonctionnement du corps. Mon frère était atteint d’amblyopie (œil paresseux) et nécessitait une opération. Je l’ai alors accompagné et j’étais très intriguée par l’appareillage. Pendant mes études de médecine, j’ai également été formée un peu à l’ophtalmologie. C’est venu de là. »

    Erika Van Tielen
    « Le facteur personnel a donc joué son rôle. Le plus important pour vous est de chercher des solutions contre les problèmes oculaires ou le côté plus humain ? Parce que vous parlez de rééducation. »

    Evelien Vandewalle
    « Les deux ont toute leur importance. Pour le glaucome, une prise en charge est nécessaire tout au long de la vie. Il est donc crucial de motiver les patients à prendre leurs gouttes oculaires pour une longue durée. Et il faut également expliquer aux patients les possibilités de soutien qui s’offrent à eux si certaines choses ne sont plus possibles. »

    Erika Van Tielen
    « Que remarquez-vous chez les personnes atteintes de glaucome ? »

    Evelien Vandewalle
    « Des altérations du champ visuel. Légalement, pour conduire une voiture, il n’est pas autorisé d’avoir un point noir dans son champ de vision central. Vous en avez un ? Alors, vous devez vous rendre dans un centre spécial à Bruxelles pour passer un examen de conduite. Il est donc important d’informer les patients sur ces possibilités et garantir leur indépendance. »

     

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    Erika Van Tielen
    « Effectuez-vous encore des recherches ? »

    Evelien Vandewalle
    « Pour l’un de mes projets de recherche, je travaille avec un professeur d’informatique de la KUL. Il s’agit d’un projet pour collaborer avec une université éthiopienne. Nous avons un doctorant éthiopien qui travaille en partie à Louvain et en Éthiopie. Notre premier étudiant, Ishmaël, a mis au point une application digitale de dépistage des troubles oculaires pour constater la perte d’une partie du champ visuel. Nous cherchons également à savoir s’il serait acceptable en Éthiopie que cette application soit utilisée par des ophtalmologues, des professionnels de la santé ou des habitants de zones rurales. Cela permettrait d’identifier les problèmes plus rapidement et d’orienter les personnes concernées vers un centre. »

    Erika Van Tielen
    « Ce sont des problèmes qui se résolvent facilement ici mais qui sont difficilement là-bas. Est-ce là votre lien avec Lumière pour le Monde ? Êtes-vous vous-même active à l’étranger ?  »

    Evelien Vandewalle
    « Je ne suis pas active à l’étranger. Mais je donne par exemple des conférences pour des organisations comme Lumière pour le Monde. »

    Erika Van Tielen
    « Il y a effectivement du pain sur la planche. Est-ce le cas aussi en Belgique ? »

    Evelien Vandewalle
    « Bien sûr. En Occident, la moitié des cas de glaucomes ne sont pas dépistés. »

    Erika Van Tielen
    « Les personnes ont-elles peur de se rendre chez un ophtalmologue ? »

    Evelien Vandewalle
    « Oui, ou elles s’en rendent compte trop tard. Et leur perte de vue est irréversible. »

    Erika Van Tielen
    « Le glaucome est-il l’une des maladies oculaires les plus fréquentes dans les pays en développement ? »

    Evelien Vandewalle
    « En plus du glaucome, il y a aussi de nombreux autres problèmes oculaires dans ces pays. Par exemple, la cataracte, qui entraîne une opacification du cristallin et peut conduire à la cécité. Une opération est alors nécessaire : il s’agit de remplacer le cristallin par un nouveau. Chez nous, la cataracte n’entraîne jamais la cécité parce que nous consultons l’ophtalmologue à temps. Mais dans les pays en développement, c’est plus souvent le cas. »

    Erika Van Tielen
    « Et c’est là qu’intervient Lumière pour le Monde, qui fait un travail considérable. »

    Evelien Vandewalle
    « Tout à fait. Chez nous, il est facile de s’acheter des lunettes sur mesure quand on a des problèmes de vue. Là-bas, ce n’est pas le cas. Il y a plus de problèmes de vue non traités et des réticences à porter des lunettes à cause de la stigmatisation. Il faudrait que cela devienne socialement acceptable. »

    Erika Van Tielen
    « Et que fait Lumière pour le Monde pour lutter contre ce problème ? »

    Evelien Vandewalle
    « Ses équipes organisent des dépistages des déficiences visuelles chez les enfants ou les adultes, forment du professionnel de la santé et soutiennent les cliniques au niveau local. Non seulement sur le plan organisationnel, mais aussi technique, afin qu’elles puissent fournir des soins de qualité.

    Pour les enfants atteints de déficience visuelle, elles mettent en place une l’éducation inclusive et leur fournissent des aides visuelles (par exemple, des loupes). Ils peuvent ainsi aller à l’école avec leurs camarades de classe et nous pouvons leur montrer qu’ils sont eux aussi des personnes importantes dans la société.

    De plus, elles prescrivent des gouttes oculaires, pratiquent des opérations de la cataracte et des séances de rééducation visuelle pour les personnes malvoyantes. Enfin, chaque clinique possède un magasin d’optique qui fournit à chaque personne des lunettes sur mesure. »

     

    Erika Van Tielen
    « Y a-t-il une anecdote, un témoignage, qui vous tient à cœur ? »

    Evelien Vandewalle
    « Au cours de ma carrière, j’ai suivi de nombreux patients sur une longue période. Notamment un monsieur dont l’épouse habitait une maison de repos et qui avait souvent besoin de contacts sociaux. Il m’appelait régulièrement à ce sujet. Cet homme était en phase palliative. Deux jours avant sa mort, il m’a appelé pour me remercier. Cela m’a beaucoup touchée. »

    Erika Van Tielen
    « Comment pouvons-nous aider les personnes atteintes de déficience visuelle ? »

    Erika Van Tielen
    « Il existe des centres de rééducation regroupant les personnes avec déficiences visuelles. Ils appliquent des techniques d’orientation pour leur apprendre à se déplacer plus aisément. Ils proposent également des outils pour l’école et le travail.

    L’une des choses les plus difficiles pour une personne avec déficience visuelle, c’est que ce n’est pas écrit sur son front. Je conseille à certains patients d’utiliser une canne blanche pour signaler qu’ils ont des problèmes de vue et besoin d’aide.

    Cela ajoute une certaine gêne, certes. Mais quelques-uns commencent à se déplacer plus aisément par eux-mêmes et faire des choses qu’ils avaient l’habitude de faire. N’ayez pas peur non plus d’aborder les gens : ‘Puis-je faire quelque chose pour vous ?’ Si ce n’est pas nécessaire, ils vous le diront. »

    Erika Van Tielen
    « Comment pouvons-nous soutenir les projets de Lumière pour le Monde ? »

    Evelien Vandewalle
    « Il y a plusieurs possibilités. Vous pouvez faire de petits dons pour offrir une rééducation visuelle et une scolarité à des enfants.

    Des dons plus conséquents leur offre une opération de la cataracte. En effet, la cataracte est l’une des principales causes de la cécité évitable. Après leur opération, toutes ces personnes peuvent reprendre leur travail, leur scolarité, et leur place dans la société.

    Les adultes sont capables de subvenir aux besoins de leur famille comme auparavant. Sinon, les enfants de ces personnes malvoyantes ou aveugles sont obligés de rester à la maison pour s’occuper d’elles.

    Il y a aussi des activités sportives, comme la course parrainée à Bruxelles.

    Pour finir, Lumière pour le Monde propose des kits qui permettent d’expliquer le travail de l’ONG dans les écoles. Ainsi, nos jeunes peuvent se rendre compte que nous avons un bon accès à l’ophtalmologie, mais que ce n’est pas le cas partout. En Tanzanie, par exemple, 40 % des enfants atteints de cataracte sont aveugles. Et cela a un impact sur leur éducation et leurs opportunités futures. »

    Erika Van Tielen
    « Et nous pouvons éviter cela en intervenant à temps. »

    Evelien Vandewalle
    « Oui. Un adulte peut être opéré sous anesthésie locale grâce à des gouttes spéciales. Mais pour un enfant, une anesthésie générale est nécessaire. Il faut donc une infrastructure appropriée et davantage de personnel. C’est donc plus complexe mais essentiel : après leur opération, les personnes sont financièrement plus fortes parce qu’elles peuvent réintégrer le marché du travail, ou encore suivre une formation. »

     

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    Erika Van Tielen
    « D’après vous, quelles sont les principales maladies oculaires ici et dans les pays en développement où Lumière pour le Monde est active ? »

    Evelien Vandewalle
    « Chez nous, nous examinons plus souvent des cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge. Vous avez une tache sur un petit point que vous voyez de façon très nette. Votre vision est courbée et non plus droite. Puis, il y a aussi le glaucome. Alors que dans les pays en développement, on traite souvent le trachome : une inflammation de la conjonctive. Elle entraîne une cicatrisation de la muqueuse qui tire la paupière vers l’intérieur. Cela peut entraîner la cécité. Cette maladie est causée par certaines bactéries.

    Il existe également certaines maladies infectieuses dues à un manque d’hygiène. La cataracte est aussi caractéristique de ces pays car elle est moins souvent traitée. Enfin, il y a des bébés qui souffrent de maladies oculaires congénitales à cause de la rubéole. »

    Erika Van Tielen
    « Observez-vous une amélioration ces dernières années ? »

    Evelien Vandewalle
    « Dans les pays en développement, voient le jour différents projets, notamment grâce à Lumière pour le Monde. Ils visent à aider les personnes pour leur opération de la cataracte ou recevoir des lunettes. Ce sont des choses importantes qui permettent de prévenir la cécité. »

    Erika Van Tielen
    « Selon vous, quels sont les plus grands défis qui se posent ? »

    Evelien Vandewalle
    « Avec le vieillissement de la population, les maladies chroniques vont se multiplier. Nous allons dépister plus, prendre des photos de la rétine et du nerf optique. L’intelligence artificielle va jouer un rôle dans ce domaine : détecter les problèmes à un stade plus précoce. Nous allons donc prévenir davantage la cécité en traitant les patients plus tôt. »

    Erika Van Tielen
    « Quand espérez-vous voir les résultats des avancées en matière d’intelligence artificielle ? »

    Evelien Vandewalle
    « Il faudra encore environ trois ans avant d’observer des résultats fiables. »

    Erika Van Tielen
    « Et quand pourrons-nous éradiquer complètement la cécité ? »

    Evelien Vandewalle
    « D’ici dix ans, je l’espère. Et j’espère aussi que nous pourrons rapidement étendre ces avancées aux pays en développement, car la population y est encore plus nombreuse. »

    Erika Van Tielen
    « Quand aurez-vous accompli votre mission d’ophtalmologue »

    Evelien Vandewalle
    « Quand tout le monde aura la possibilité de bénéficier de soins oculaires et d’un soutien pour ses problèmes de vue, je serai ravie. »

    Erika Van Tielen
    « Et pour votre frère, tout va bien ? »

    Evelien Vandewalle
    « Oui, il se porte bien. »

    Erika Van Tielen
    « Merci pour cette passionnante discussion, Evelien. »

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