« Ce que j’aime dans les soins oculaires, c’est que dans ce secteur, les résultats s’observent très vite. Lorsqu’un enfant est aveugle, nous lui apportons l’aide nécessaire pour lui offrir un avenir plus lumineux. Un jour, il perd la vue à cause d’une maladie oculaire. Le lendemain, après une opération, il recouvre la vue. C’est ce qui rend si fascinant le fait d’être à nouveau actif dans le domaine des soins oculaires, » se réjouit Joseph Banzi, le nouveau directeur national de Light for the World Tanzania, le sourire aux lèvres.
« Aujourd’hui, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement. »
Il y a plus de 20 ans, Joseph a obtenu son Bachelor of Arts in Education à l’Université de Dar es Salam. Un départ bénéfique pour sa carrière. « Dans toutes mes expériences professionnelles, j’ai appris à travailler en étroite collaboration avec les agences gouvernementales. Pour faire avancer les choses, il est important d’exercer une influence dans le secteur. »
En 2017, Lumière pour le Monde a démarré l’extension d’une unité de soins oculaires au Kilimanjaro Christian Medical Centre (KCMC). À l’époque, nous n’étions pas encore officiellement reconnus par le gouvernement tanzanien. « Il est trop souvent arrivé que toutes sortes d’agences gouvernementales demandent aux employés locaux pourquoi ils collaboraient avec Lumière pour le Monde. Cela les gênait régulièrement dans leur travail. Après plusieurs entretiens préliminaires avec les ministères concernés (les Ministères de la Santé et de l’Education et le « Bureau Présidentiel »), le gouvernement national a compris qu’ensemble, nous pouvions accomplir de grandes choses. Résultat : Lumière pour le Monde a été officiellement reconnue en 2020 comme ONG en Tanzanie et tous les employés locaux peuvent se concentrer pleinement sur leur mission essentielle : fournir des soins oculaires et une éducation de qualité aux populations locales souffrant d’une déficience visuelle. Aujourd’hui, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement national. La prochaine étape consistera à mener ces mêmes entretiens préliminaires au niveau des régions et districts. »

Dépistage d’un enfant lors d’une clinique mobile.
« Formez un garçon, vous formerez le peuple.
Formez une femme, vous formerez la nation. »
Lorsqu’on lui demande comment il voit évoluer la coopération avec les agences gouvernementales sous la nouvelle présidente Samia Suluhu Hassan, Joseph est nostalgique : « Le président Magufuli va nous manquer. Il a beaucoup compté pour la Tanzanie. En cinq ans, il a réussi à mettre en place de nombreux projets stratégiques. L’actuelle présidente Samia Suluhu Hassan a œuvré étroitement avec le président Magufuli et sait comment tirer parti de son héritage. Nous, le peuple tanzanien, regardons l’avenir avec beaucoup d’espoir. Vous savez, nous avons un dicton : ‘Formez un garçon, vous formerez le peuple. Formez une femme, vous formerez la nation.’ C’est une sacrée responsabilité ! » conclut Joseph.
« Nous ne laissons pas les filles à l’écart dans notre programme d’éducation inclusive. »
Joseph a commencé sa carrière professionnelle au Kilimanjaro Centre for Community Ophthalmology, qui était alors le seul centre de soins oculaires à l’Est de la Tanzanie. « À l’époque, les soins oculaires n’allaient pas du tout de soi pour la population. Les habitants ne savaient pas exactement de quoi il s’agissait et avaient peur de se présenter en consultation, et encore davantage de se faire opérer. J’ai essayé de briser ces barrières de la peur en lançant un programme de terrain qui consiste à fournir des soins oculaires à la population locale par le biais de cliniques mobiles. Une équipe médicale effectue des consultations, distribue des gouttes ou de la pommade oculaire et des lunettes aux patients. Si une opération est nécessaire, ceux-ci sont amenés, après un effort de persuasion de la part du personnel médical, à l’hôpital KCMC. »
Cette initiative a beaucoup en commun avec notre programme d’éducation inclusive. Vingt professeurs itinérants spécialisés se rendent dans les lieux les plus reculés des régions de Morogoro et Dodoma afin de dépister les enfants souffrant de problèmes oculaires et les orienter vers les hôpitaux de district, régionaux ou spécialisés. En 2020, ils sont ainsi venus en aide à 6.403 enfants.

Atteinte de glaucome, Agnès va à l’école avec des élèves voyants. © Raymond Kasoga
« Ce programme d’éducation inclusive permet aussi aux enfants atteints de déficience visuelle incurable d’être scolarisés. En général, les personnes aveugles et malvoyantes sévères restent à la maison. Mais nous ne souhaitons laisser personne à l’écart ! Et certainement pas les filles. En Tanzanie et dans de nombreux autres pays africains, le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire est très faible. Dans notre programme d’éducation inclusive, notre objectif est de scolariser au moins 50 % de filles parmi les enfants. Nous observons chez elles de très bons résultats scolaires. En 2020, alors que 69 % des garçons ont réussi les examens nationaux, ce pourcentage s’élève à 76 % chez les filles. Cela montre clairement que nous avons un impact visible lorsque nous travaillons avec le gouvernement tanzanien. »

Dépistage des enfants à Kilosa.
Renforcer les hôpitaux régionaux
« En 2021, notre ambition est de poursuivre la collaboration étroite avec les ministères aux niveaux national, régional et des districts. L’objectif consiste à amener les soins oculaires au plus près de la population. Cela n’est possible que par la décentralisation. Pour y parvenir, nous nous concentrons sur le renforcement des capacités du personnel médical des hôpitaux régionaux.
Aujourd’hui, de nombreux enfants de la région de Morogoro doivent parcourir 185 kilomètres pour recevoir des soins oculaires à l’hôpital CCBRT de Dar es Salam. Il faut que cela change. Nous voulons développer davantage l’unité ophtalmologique de l’hôpital régional de Morogoro. Son équipe peut ainsi fournir des soins oculaires de base aux enfants qui lui sont référés par les hôpitaux de district. De cette façon, nous soulageons l’hôpital CCBRT, où les spécialistes peuvent se concentrer sur des opérations chirurgicales plus pointues. La majorité des enfants n’ont donc plus besoin de parcourir des kilomètres pour recevoir des soins oculaires de base. De plus, nous renforçons encore davantage le lien entre notre ONG et la région de Morogoro.
Dans la région de Dodoma, nous nous sommes entretenus avec le directeur du Benjamin Mkapa Hospital, établissement de référence. Nous souhaitons y renforcer les services de soins oculaires pédiatriques. Le projet est pour le moment dans sa phase de démarrage. Il fait partie intégrante de notre prochain plan quinquennal 2022-2026. »
Une solution simple mais efficace

Joseph Banzi observe le travail d’un professeur itinérant.
« L’un des objectifs de mon recrutement chez Light for the World Tanzania est de donner un nouveau souffle au programme d’éducation inclusive. Avant que je n’y commence mon travail, le Ministère de l’Education n’avait que peu ou pas de connaissances sur ce programme. Tout au long de ma carrière, j’ai constaté que pour accomplir quelque chose, il faut être capable de convaincre tous les partenaires autour de la table. Le partage d’expérience et la documentation du travail sur le terrain sont essentiels à cet égard. Ils permettent de montrer comment vous travaillez et l’impact de votre travail sur le public cible. C’est une solution simple mais efficace.
J’ai informé le Ministère de l’Education de nos projets sur base d’une documentation bien étayée. Ils ont parfaitement compris que nous pouvions faire passer notre programme d’éducation inclusive à la vitesse supérieure. Ils se rendent compte que notre travail apporte une contribution importante dans le domaine. D’après notre expérience et notre documentation, des programmes d’éducation inclusive similaires peuvent être déployés relativement rapidement et efficacement dans d’autres régions de Tanzanie. De cette manière, Light for the World Tanzania deviendra la référence en matière d’éducation inclusive pour les enfants atteints de déficience visuelle en Tanzanie.
Vous pouvez vous aussi contribuer à nos projets d’éducation en Afrique ! Par exemple, avec 20 euros, vous pouvez permettre à un enfant atteint de déficience visuelle d’aller à l’école pendant un mois. Faites un don !
Photo header: Joseph Banzi (au milieu) et son collègue discute avec un élève du programme éducation inclusive.